extrait d''un tableau 21013 de Florin Nica |
Florin interviewé par 2 journalistes
le 17 juin 2014 dans la grande Bibliothèque de la ville de Targoviste se tenait l'inauguration de l'exposition de tableaux de Florin Nica. Le potentiel de ce jeune artiste, en complet décalage avec son vécu "d'orphelin" a attiré un public nombreux et différents médias. Doîna Banescu, professeur de philosophie à déclaré : "Il est des êtres comme Florin Nica qui ont quelque chose de plus que nous, une grâce qui vient de l'âme"
Doîna Banescu, David Anca, Florin Nica, Mihai Serbanescu et le directeur de la Bibliothèque Targoviste |
Florin est né en Septembre 1983 dans une famille Rom abîmée par une vie de misère. Il avait 2 ans quand son père a été envoyé en prison pour de longues années. La mère trop fragile, le confie alors a l'orphelinat.
Il a grandi à l'orphelinat jusqu'à sa majorité et m'a confié quelques souvenirs :
"En 1991 des couples d'étrangers ont commencé à venir à l'orphelinat. J'avais 8 ans. Les nourrices nous alignaient tous côte à côte puis elles disaient aux étrangers "Choisissez" et ils en prenaient un. Je rêvais qu'on me prenne mais je n'ai jamais été choisi."
"Un couple Roumain avait eu la gentillesse de m'emmener quelques jours chez lui pour que je puisse fêter Noël dans une famille. Cela a été pour moi une expérience merveilleuse et je remercie ces gens de m'avoir fait connaitre ça. Ils avaient déjà un enfant et je me doutais bien qu'ils ne pourraient pas m'adopter. Je les ai revus 2 ou 3 fois de façon espacée. Quand j'ai appris que leur fils n'était pas un enfant biologique, ça m'a fait mal. Pourquoi c'était toujours les autres qu'on adoptait et pas moi? "
Les "orphelins" étaient scolarisés avec les autres enfants de la ville. La première fois que la mère de Florin est venu le voir, c'était à son école car l'orphelinat se trouvait trop loin pour qu'elle puisse s'y rendre à pieds.
"j'avais 6 ans. Elle était venue avec son compagnon et leur fille, ma demi-sœur. En voyant que ma famille était Tzigane, tous les enfants de l'école se sont mis à m'insulter et à se moquer de moi. Cela m'a fait beaucoup de peine."
"j'avais 6 ans. Elle était venue avec son compagnon et leur fille, ma demi-sœur. En voyant que ma famille était Tzigane, tous les enfants de l'école se sont mis à m'insulter et à se moquer de moi. Cela m'a fait beaucoup de peine."
"A 8 ans on m'a fait quitter cette école pour m'envoyer dans une autre, spécialisée pour enfants "attardés", généralement issus d'un milieu social très défavorisés"
Sa mère est revenue le voir 9 ans plus tard : "j'avais 15 ans. Je l'ai reconnue immédiatement. Je lui ai reproché de ne pas être venu me voir plus tôt. Ses excuses ne me semblaient pas valables. J'étais trop jeune et en colère pour mesurer combien cette femme était mentalement fragile et aussi détruite par l'alcool. Mon père venait de mourir en prison, mais elle ne m'a rien dit. Je ne l'ai appris qu'à l'âge 21 ans. "
Florin présentait des prédispositions pour le dessin et l'orphelinat a fait en sorte qu'il puisse suivre quelques cours dans une école d'art de la ville. "Le professeur Mihai Serbanescu à été pour moi, plus qu'un maître, il était comme un père et d'ailleurs parfois le mot m'échappe, je l'appelle "papa".
Florin Nica et Mihai Serbanescu exposition du 17/06/14 |
J'ai connu Florin en 2011. Il logeait dans les bâtiments de l'ancien pensionnat du Lycée de la ville. Le directeur de l'établissement avait permis à 5 ou 6 jeunes adultes issus des orphelinats de loger en toute discrétion et gratuitement dans ces locaux inoccupés. Quelques arbustes les séparaient des élèves et professeurs qui ne regardent jamais de ce côté là du terrain. 2 univers si proches et qui s'ignorent. Florin avec son petit Victor âgé alors de 3 ans occupait 2 chambres de 8 ou 9 mètres carré. Ils cuisinaient dehors sur un brasero installé dans le jardin devant la porte. Depuis an, la maman de Victor était partie "tenter sa chance" en Allemagne, les abandonnant tous deux sans plus donner de nouvelles...
Florin, vivait misérablement mais pour rien au monde il ne se serait séparé de son fils. Il n'avait pas trouvé d'autre travail que la récupération de bouteilles en plastique qu'il revendait ensuite au poids à une usine. Habile dessinateur, l'été il améliorait beaucoup son ordinaire en vendant des portraits aux touristes de passage. A Noêl 2011, avec la vente de ses tableaux, il avait offert un goûter et une petite fête aux enfants pauvres de son quartier.
Ce qui est frappant c'est la façon remarquable dont ce jeune papa, de santé fragile, se dévoue pour son petit Victor. Partout où il va, il l'emmène sur ses épaules, se privant parfois de manger pour que Victor ne souffre pas de leur condition et puisse avoir des petits jouets et des vêtements toujours corrects. Victor est heureux avec son papa.
Sa région ne dispose pas d'association d'aide d'urgence or l'hiver dernier fût particulièrement difficile pour Florin qui n'a pas pu vendre assez de tableaux. Victor venait d'entrer à l'école maternelle ce qui lui assurait au moins quotidiennement un bon repas et un goûter.
Victor Emmanuel Nica 17/06/14 |
Dans le journal le journaliste rapporte les propos de Florin : "Je suis un artiste qui n'arrive ni à vivre de son travail ni à trouver un autre emploi. Est-ce à un petit garçon de 5 ans de nourrir son père ? On vit dans un monde à l'envers. Est-ce normal que malgré tous ses efforts un père ne puisse garantir un bon avenir à mon enfant? Je ne veux pas qu'on me fasse l’aumône , je demande juste à trouver un travail."
Ce n'est pas un employeur que Florin a trouvé, mais des encouragements venus de toutes parts à commencer par ceux de son Maître Mihai Serbanescu.
Une famille de 12 enfants, disposant d'une grande et confortable maison, a spontanément proposé à Florin et Victor de venir partager leur foyer pendant quelques mois. Ulysse Anca et son épouse m'ont reçue chez eux et j'ai été impressionnée par tout ce que ce couple et leurs beaux enfants bien élevés dégagent de positif. Cette famille exceptionnelle est d'origine Rom.
5 mois plus tard, le 17 juin 2014, jour de l'anniversaire de Victor, Florin inaugurait son exposition à la bibliothèque de Targoviste.
Un tableau réalisé par Victor. les 3 personnages représentent : en premier plan son papa, puis lui-même et derrière, le petit garçon que sa maman a eu il y a 2 ans avec avec son nouveau compagnon. |
Florin Nica, Danvid Anca, Nadine Delpech |
Victor Emmanuel Nica |
Très bel article Nadine ! Des personnes comme Florin Nica sont des exemples de courage et de bonté. On devrait plus souvent parler de leur parcours ! Il devrait participer en tant qu'artiste et homme engagé pour la cause des enfants à des associations ou jumelages financés par l'Europe, car c'est une personne qui s'engage dans la sublimation et la transmission... L'art et l'amour sont les plus beaux des langages !
RépondreSupprimerJe viens de lire votre article et tenais à vous féliciter d'évoquer des parcours comme celui de ce jeune homme qui aurait mille bonnes raisons de manifester de la révolte contre ses parents, contre les orphelinats, contre la société, contre tout et qui, au lieu de ça, ne porte pas de jugements sur les autres, comme s'il avait compris que rien n'est jamais tout blanc ou tout noir, qu'il n'y a pas d'un côté les bons et de l'autre les mauvais. ça pourrait donner à réfléchir à tous les "Ya qu'à" "faut qu'on" de chez nous qui ne savent que critiquer et condamner sans rien savoir....
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